Il s’agit d’un piano à queue Pleyel modèle 3bis datant de 1894. Longueur 1,90 m, clavier ivoire 85 notes, cadre en acier serrurier (c’est-à-dire que les différents éléments en acier du cadre sont boulonnés les uns aux autres) qui précède de quelques années seulement l’arrivée des cadres monobloc en fonte. La partie mécanique est aussi contemporaine de son époque puisque les bâtons actionnent des nez (et non des rouleaux), à simple échappement mais système de ressort + rechute qui procure un jeu léger et réactif (les mécaniques modernes à rouleaux du XXe apportent plus d’aisance dans le contrôle des nuances). Enfin les étouffoirs basculants à chapeau de gendarme sont un casse-tête pour le technicien…
L’instrument est dans son jus d’origine, seules les têtes de marteaux ont été regarnies il y a 30 ans. Le chevillage est fatigué (ne tient plus l’accord), les cordes sont oxydées, les étouffoirs peu efficaces, défauts de placage sur le meuble avec un siècle de poussière sur la table d’harmonie. A part ça le son qu’il procure est intéressant car cet instrument est un descendant direct de ceux de l’époque Chopin. Les basses sont très profondes et le registre medium / aigu moderne pour un instrument de 130 ans.
Sous l’épaisse couche de poussière (partie droite de l’image sous les cordes encore non démontées) on retrouve une table d’harmonie vernie à l’alcool sans aucun défaut structurel.
Le piano est démonté et nettoyé. On prend soin de conserver les cordes basses d’origine qui lui donnent tout son charme. Il y a quand même quelques parties rouillées à reprendre en peinture et la restauration des placages dégradés.
Mise en place d’éléments de placage en palissandre neuf.
Vernissage du côté gauche du piano.
Rénovation esthétique des éléments du cadre, table, chevalets, plan de chevillage du sommier, agrafes et galeries d’étouffoirs.
Le clavier du piano est profondément fissuré sous les ivoires des touches blanches.
En cause : le gonflement des plombs d’équilibrage exposés à l’humidité.
Il faut regarnir également les mortaises des pointes d’enfoncement avec de nouveaux feutres.
On enlève les plombs, on recolle et on replombe afin de retrouver des touches blanches bien droites…
… pour bonne une planitude de clavier et un fonctionnement mécanique cohérent.
Le remontage en cordes du piano est effectué selon un calcul de « plan de cordes hybride Paulello ».
Explications…
Le type d’acier utilisé à la fin du XIXe n’est pas identique à celui utilisé pour les cordes modernes. Pour conserver l’identité sonore de l’instrument on utilise un type d’acier spécifique pour les cordes. Et mieux encore…
Grâce à un tableur développé par Stephen Paulello, il est possible d’optimiser le plan de cordes selon des critères qui définissent l’homogénéité des tensions et sollicitations sur l’ensemble du registre. Concrètement cela signifie qu’on va utiliser pour chaque note la qualité d’acier et le diamètre les plus adaptés pour produire la meilleure qualité vibratoire possible. Ou « richesse harmonique ».
On améliore ainsi notablement la sonorité d’ensemble en atténuant certains défauts, voire atavismes du piano !
Le travail sur la structure harmonique est terminé. Reste le fastidieux remontage et réglage des étouffoirs, une reprise de réglages mécaniques, accords et harmonisation.